Vertus antistress de l’éloge

Des doigts avant une skyline. © Fotolia

Un chef qui vous félicite, un employeur qui témoigne sa reconnaissance: ces baumes au coeur ont un effet. Les collaborateurs qui se sentent valorisés gèrent mieux le stress. Par Susanne Wenger

​La promotion de la santé au travail est considérée comme une stratégie moderne d’entreprise. Toute une industrie de consultants en vit. Il existe pourtant une méthode assez simple pour que le personnel garde la forme et reste productif: lui montrer qu’on l’estime. L’ensemble des entreprises affirment que les collaborateurs représentent leur plus précieuse ressource. "Mais dans la réalité, la culture dominante est celle du feedback zéro", relève Nicola Jacobshagen, de l’Institut de psychologie de l’Université de Berne. D’où la règle qu’intègrent les employés: tant qu’on ne me dit rien, c’est que tout est en ordre; les réactions, c’est quand je commets une erreur. Selon la chercheuse, cela ne signifie pas forcément que les cadres n’estiment pas leurs collaborateurs. "Souvent, ils ne réalisent pas l’effet qu’ils produisent", note-t-elle.

Mais c’est une opportunité manquée, comme le démontre une nouvelle étude de l’Institut de psychologie. Car, à long terme, la valorisation explicite est un facteur important de bien-être au travail. La recherche sur le stress a déjà identifié des rapports de cause à effet entre manque de valorisation et état de santé. La personne qui se dépense sans être récompensée finit par tomber malade. La validité de la conclusion inverse, en revanche, a été peu étudiée. Sur la base d’analyses conduites dans six entreprises de quatre cantons, les psychologues de l’Université de Berne ont constaté que la valorisation au travail diminuait le stress et aidait, à la longue, à mieux gérer la pression.

"Une puissante ressource"

La valorisation représente donc une "puissante ressource" pour surmonter le stress, souligne Nicola Jacobshagen. Et elle est au moins aussi efficace que d’autres dispositifs. L’enquête a inclus quelque 200 collaborateurs de différentes entreprises: un hôpital bernois, un réseau de bibliothèques, uneentreprise industrielle, une entreprise de télécommunications et deux offices cantonaux. Les chercheurs les ont interrogés à trois reprises en six mois sur leur vécu en termes de valorisation et leur ont fait remplir des questionnaires sur leurs conditions de travail et leur bien-être. Résultat: les bases d’une culture de la valorisation existent, et l’impact est fiable, avec une augmentation de la motivation, de la satisfaction et de l’attachement à l’entreprise, mais aussi une amélioration de la performance.

La psychologue décèle cependant un besoin d’optimisation. Les plus valorisés sont ceux qui en font plus. Une "spirale dangereuse", estime-t-elle, susceptible d’entraîner un surmenage permanent. Il n’est pas non plus toujours nécessaire que l’entreprise manifeste sa gratitude par le biais de gestes spectaculaires (excursion du personnel ou bonus). Au quotidien, les supérieurs auraient largement l’occasion d’exprimer leur estime. Et le temps consacré à la valorisation est bien investi. Il ne s’agit pas seulement de distribuer des éloges. Valoriser un collaborateur, cela peut aussi se traduire par la décision de lui confier une tâche intéressante. Ou de l’aider à résoudre un problème informatique.

L’estime des collègues et l’éloge des clients représentent d’énormes sources de motivation. Les cadres sont eux aussi assoiffés de valorisation, mais en font rarement l’expérience. Pour Nicola Jacobshagen, les collaborateurs seraient donc bien avisés de féliciter de temps en temps leur supérieur. "Ils auraient ainsi un chef qui résiste mieux au stress."

Susanne Wenger est journaliste scientifique libre.

(De "Horizons" no 102, septembre 2014)