Quand la chimie joue au hochet

Cette image montre des hochets nanoscopiques où des nanoparticules d’argent. © Département de chimie/Université de Fribourg

Des chimistes soutenus par le Fonds national suisse (FNS) ont développé un nouveau processus d’encapsulation de nanoparticules au moyen d’une synthèse mono-étape. De telles particules pourraient améliorer l’efficacité de revêtements antimicrobiens d’implants.

La population occidentale vit plus longtemps en bonne santé. La médecine a toujours plus recours à des implants pour permettre, par exemple,  à de jeunes retraités de poursuivre leurs activités. Mais ces interventions ne sont pas sans risque: lors de la pose d’une prothèse, des bactéries peuvent atteindre la surface de l’implant et s’y développer. Lorsqu’elles le colonisent et y forment un biofilm, il faut retirer l’implant, nettoyer la plaie et attendre d’être sûr que l’infection a bel et bien disparu avant de poser un nouvel implant, une opération lourde et handicapante. Ce problème concerne 2% des prothèses de hanches, de 5-10% de celles du genou et vont jusqu’à 50% pour les stents et shunts cardiaques.

Une solution à la prolifération de bactéries à la surface de l’implant est l’adjonction d’un revêtement antimicrobien. Une équipe de chimistes dirigée par Katharina Fromm, de l’Université de Fribourg, a mis au point un tel revêtement. Il est actuellement en phase de test in-vivo dans le cadre d’un projet CTI. Ce revêtement libère de façon continue un agent antimicrobien – des ions d’argent – sur une durée d’environ trois mois.

Prolonger l’efficacité du revêtement

Afin d’en prolonger l’efficacité, les chercheurs travaillent actuellement sur un revêtement de deuxième génération, qui verrait s’ajouter au premier des nanoparticules d’argent encapsulées dans une enveloppe de silice. Cette dernière améliore la stabilité de la nanoparticule, en l’isolant de son environnement. Elle ralentit ainsi la diffusion de l’argent, prolongeant d’autant la durée de vie du revêtement. Autre avantage de cette méthode: la quantité de nanoparticules d’argent que les cellules peuvent tolérer est bien plus importante avec des particules encapsulées qu’avec des particules nues.

A cette fin, les chercheurs ont développé, dans le cadre du Programme national de recherche "Matériaux intelligents" (PNR62), une méthode(*) d’encapsulation des nanoparticules au moyen d’une synthèse "one-pot". Leur recette permet de déterminer la porosité et la taille de l’enveloppe comparativement à la nanoparticule qu’elle contient. Vu au microscope, l’ensemble ressemble à un hochet nanoscopique.

Relargage ciblé

Afin de rendre le revêtement plus performant encore, les chercheurs travaillent également, en collaboration avec le groupe du professeur Christian Bochet, à développer des senseurs de bactéries à greffer sur l’enveloppe des nanoparticules. L’argent ne serait alors délivré qu’en présence d’agents pathogènes. Ce relargage ciblé, en plus de prolonger encore la durée de vie de la protection, évite de rejeter inutilement de l’argent dans l’organisme.

La synthèse développée par les chercheurs permet d’élaborer plusieurs types d’enveloppes contenant diverses nanoparticules. Les applications potentielles des nano-hochets sont donc nombreuses: en fonction de la porosité de l’enveloppe, il est par exemple possible de choisir quelles molécules peuvent entrer en contact avec la nanoparticule, ce qui permettrait de réaliser des nanoréacteurs capables de réaliser une réaction chimique par catalyse sélective, ou d’imaginer des batteries plus efficaces,  où chaque nanoparticule encapsulée jouerait le rôle d’une électrode.

Programme national de recherche "Matériaux intelligents" (PNR 62)

Le PNR 62 est un programme de coopération entre le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) et l’Agence pour la promotion de l’innovation CTI. Il s’efforce non seulement de promouvoir l’excellence scientifique, mais aussi le succès de l’exploitation industrielle des matériaux intelligents et de leurs applications. Le PNR 62 entend lier les compétences et ressources disponibles dans plusieurs institutions de recherche en Suisse. La recherche fournit les technologies requises pour le développement de matériaux intelligents et de structures les intégrant. Entré dans sa deuxième phase au début 2013, le PNR 62 comporte maintenant 12 projets bénéficiant d'un encouragement prolongé et présentant un potentiel élevé pour des applications pratiques. Il prendra fin en 2015.

(*) Magdalena Priebe et Katharina M. Fromm (2014). One-pot synthesis and catalytic properties of encapsulated nanoparticles in silica nanocontainers. Particle & Particle Systems Characterization online: doi:10.1002/ppsc.
(Disponible pour les journalistes sous forme de fichier PDF auprès du FNS:
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Prof. Katharina M. Fromm
Département de chimie
Université de Fribourg
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