Le tourisme globalisé

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Les lieux touristiques ont aujourd’hui essaimé dans presque toutes les parties du monde. Une conquête partie d’Europe et des Etats-Unis. Par Marie-Jeanne Krill

La mondialisation gagne du terrain, et le tourisme n’échappe pas au phénomène. Quand les lieux touristiques ont-ils émergé et comment ont–ils évolué au cours du temps? C’est ce qu’a cherché à mettre en lumière, grâce notamment à une approche géo-historique, Andreea Antonescu, doctorante au sein de l’équipe de recherche de l’UER Tourisme à l’Institut universitaire Kurt Bösch de Sion. Pour produire la centaine de cartes qui étayent son étude, la chercheuse a eu recours à des informations tirées de guides de voyages anciens et contemporains. "La littérature dans ce domaine est vaste. Et depuis leur apparition dans les années 1780 environ, ces ouvrages n’ont pas cessé de proliférer et de se diversifier", rappelle-t-elle. Les données utilisées proviennent des séries de guides les plus connues et les plus largement diffusées dans les aires francophone, germanophone et anglophone, cela à différentes dates entre 1800 et 2000. Une vision occidentalocentriste que la scientifique assume, même si elle n’exclut pas de faire appel ultérieurement à des sources plus variées. Pour la période actuelle, elle s’est ainsi basée sur les Guides Joanne, les Guides Bleus et du Routard, les Appleton’s et les Fodor’s, les Murray’s, les Rough Guides et les Baedeker.

"Centré dans un premier temps sur l’Europe et les Etats-Unis, le champ touristique s’est progressivement étendu dans l’ensemble du monde, note la chercheuse. Cette évolution n’a toutefois pas été linéaire. Elle s’est faite par sauts, avec des dynamiques brusques à différents moments de l’histoire." Les années 1830 à 1870 constituent ainsi la première étape d’expansion du système marquée par une densification en Europe et aux Etats-Unis. C’est à cette époque qu’y naissent de multiples sites ainsi que des stations balnéaires et de montagne (quelque 12 000 lieux touristiques sont créés), alors que le reste du monde reste relativement peu touché.

Aussi dans les colonies

La deuxième période de fort développement a lieu entre 1870 et 1914, à la faveur de diverses innovations: généralisation du chemin de fer, apparition de l’automobile et de la saison d’hiver à la montagne, notamment. Les 25 000 lieux nouvellement créés sont distribués inégalement: Europe et Etats-Unis à nouveau, auxquels s’ajoutent la Chine, l’Afrique du Sud et les colonies des puissances européennes.

La Première Guerre mondiale marque un temps d’arrêt dans cette progression. 25 000 destinations cessent temporairement ou définitivement leurs activités. De 1920 à 1950, seuls 9400 lieux apparaissent, malgré des nouveautés comme la saison estivale au bord de la mer ou la généralisation de l’automobile. Et ce n’est finalement qu’à partir des années 1970 que le système touristique connaît une véritable expansion mondiale avec plus de 36 000 lieux nouvellement créés. A part quelques espaces russes, amazoniens et africains, l’ensemble du monde est désormais couvert.

Au cours du temps, certains endroits ont arrêté de fonctionner comme destinations touristiques. C’est le cas d’un grand nombre de lieux qui disparaissent de la carte touristique mondiale durant les années 1929 à 1973. A l’inverse, d’autres ont réussi l’exploit de conserver ce statut sur le long terme. "Sur les 2400 lieux répertoriés en 1793, 140 sont encore en fonction aujourd’hui", relève Andreea Antonescu. Il en va ainsi, en Suisse, de Lavey-les-Bains, de nombreuses villes italiennes (Florence, Padoue, Naples ou Rome, par exemple) et d’autres cités européennes comme Innsbruck, Madrid ou Séville.
De "Horizons" no 101, juin 2014