La Terre vue du ciel

des surfaces de la terre par des satellites © SwissTopo

Des modèles informatiques novateurs permettent d’améliorer l’exploitation des images satellitaires. Par Anton Vos

(De "Horizons" no 104, mars 2015)

L’observation de la Terre par des satellites est de plus en plus utilisée par les scientifiques dans un grand nombre de domaines comme l’agriculture, l’urbanisme, les forêts, la qualité de l’eau ou les catastrophes naturelles. Les cartes dérivées de ces images sont aussi souvent publiées dans la presse et jouent un rôle important dans les processus décisionnels, en particulier dans l’aménagement du territoire. L’extraction automatique par ordinateur des informations utiles contenues dans les images originelles est toutefois entravée par des limites techniques. C’est notamment le cas lorsqu’on veut comparer des prises de vues d’un même endroit mais réalisées à deux moments différents et dont la qualité, les couleurs ou l’exposition peuvent varier considérablement.

Ces limites techniques, Devis Tuia, professeur boursier à l’Université de Zurich, après plusieurs années passées au Laboratoire des systèmes d’information géographique de l’EPFL, a réussi à les repousser, en mettant au point des modèles informatiques proposant des solutions novatrices. L’un d’eux permet d’adapter un programme d’analyse de la structure urbaine (basé sur des photos satellitaires) élaboré pour une ville spécifique et de l’appliquer à une autre agglomération. Des tests concluants dans ce sens ont été menés à Lausanne et à Zurich. Dans un autre projet, Devis Tuia a développé un système permettant de comparer des images d’un même lieu mais prises à l’aide de techniques différentes (à partir d’un satellite, d’un drone ou d’un avion) qui ne présentent pas les mêmes caractéristiques en termes de résolution spatiale ou fréquentielle. Des essais sont notamment en cours dans le cadre d’études forestières visant à mesurer les variations dans le temps de l’abondance des différentes espèces d’arbres.

"Le cerveau humain possède la capacité de compenser naturellement les différences d’éclairage d’un même objet et de comparer ainsi deux images aux caractéristiques différentes, explique le scientifique. L’idée consiste à enseigner ce type de facultés à l’ordinateur qui, de son côté, présente l’avantage de pouvoir traiter rapi-dement un très grand nombre de données."

Intelligence artificielle

Devis Tuia y est parvenu en exploitant les outils de l’intelligence artificielle et, plus spécifiquement, les techniques dites de l’apprentissage statistique. Ces dernières permettent à la machine d’apprendre à s’adapter à de nouveaux environnements. Cela passe notamment par la "normalisation" des images, soit par la suppression de toutes les variations dépendantes des conditions régnant lors de la prise de vue et qui n’intéressent pas l’utilisateur. Il ne reste alors plus que les éléments utiles.

"L’étude de la qualité des cultures d’une région, par exemple, peut passer par des photos aériennes, poursuit le chercheur. Il est en effet possible de tirer des informations importantes en la matière en analysant la manière dont la lumière infrarouge est réfléchie par les végétaux. Mais cela demande, dans une première étape, une confirmation par des prélèvements au sol. Ensuite, si l’utilisateur veut obtenir les mêmes informations cinq ans plus tard, un modèle comme ceux que je développe lui évitera de répéter le travail de terrain susceptible de coûter beaucoup de temps et d’argent."

Anton Vos est journaliste scientifique, notamment pour le compte de l’Université de Genève.