Une crue artificielle pour revitaliser les cours d'eau

Des scientifiques du PNR 70 "Virage énergétique" vont profiter d'une crue artificielle de la Sarine pour évaluer ses bénéfices pour l'habitat de la plaine inondable de la rivière.

​Les 14 et 15 septembre, le fournisseur d'électricité Groupe E va procéder à un lâcher d'eau au niveau du barrage de Rossens (extrémité septentrionale du Lac de la Gruyère) dans le but de provoquer une crue artificielle de la Sarine. Le débit de pointe atteindra 255 m³/s, soit environ cent fois le débit normal. L'objectif est de nettoyer le lit de la rivière et de limiter la croissance des algues nuisibles.

Des scientifiques vont profiter de cet événement exceptionnel pour déterminer si une telle crue peut être bénéfique pour l'environnement. Cette étude s'inscrit dans le cadre du projet "Gestion durable des zones inondables et force hydraulique" du programme national de recherche "Virage énergétique" (PNR 70).

La nouvelle législation suisse demande aux cantons de prendre des mesures pour atténuer les problèmes dus aux sédiments piégés par les barrages, susceptibles d'affecter l'équilibre écologique des cours d'eau situés après les barrages. La couche de sédiments qui recouvre le lit de la rivière est constamment chassée vers l'aval, ce qui abaisse le niveau de l'eau. Ce dernier est alors insuffisant pour inonder régulièrement la plaine adjacente et la dynamique naturelle des courants est également perdue. "En aval d'un barrage, le débit résiduel est habituellement assez constant, ce qui génère des habitats homogènes associés à une biodiversité réduite, explique Diego Tonolla de la Haute école des sciences appliquées de Zurich (ZHAW). Les crues artificielles et les apports de sédiments sont deux mesures susceptibles d'atténuer ces problèmes."

Des drones pour suivre la crue

Quelque 1000 m³ de sédiments vont être déversés en plusieurs endroits le long du cours d'eau. Une équipe conjointe de la ZHAW, de l'EPFL et de l'EAWAG étudiera leur transport et leur vitesse en suivant la progression des galets à l'aide de techniques RFID (Radio Frequency Identification). Des équipements de type sonar enregistreront la vitesse du courant et la profondeur de l'eau au fur et à mesure que la crue se propage. Des drones seront déployés pour suivre la dynamique de l'eau au cours de la crue artificielle, ainsi que pour quantifier l'érosion et modéliser les dépôts de sédiments dans différents habitats. Enfin, les scientifiques recueilleront des échantillons d'insectes aquatiques et de communautés microbiennes avant, pendant et après l'inondation, afin de quantifier l'impact sur la biodiversité.

Les résultats seront comparés aux données issues de la Singine, une rivière naturelle. "Nous espérons qu'ils nous permettront d'améliorer notre compréhension des crues artificielles comme un outil de gestion de la régénération des cours d'eau", conclut Diego Tonolla.

La recherche pour la transition énergétique

Depuis 2015, le Programme national de recherche "Virage énergétique" (PNR 70) développe des solutions techniques pour mettre en œuvre un nouveau système énergétique suisse. Il est encadré par le Fonds national suisse, sur mandat du Conseil fédéral, tout comme son programme associé "Gérer la consommation d'énergie" (PNR 71) focalisé sur les questions sociétales et économiques soulevées par la transition énergétique. Le projet "Gestion durable des zones inondables et force hydraulique" du PNR 70 met au point des outils pour identifier, mesurer et réduire l'impact environnemental des barrages.