Recherche: le danger du confort

La Suisse est devenue une place scientifique de premier plan, et c’est exactement pour cette raison qu’elle risque de passer à côté de belles opportunités. Par Ulf Büntgen

(De "Horizons" no 114 septembre 2017)​​​

Une seule haute école d’Europe continentale peut se targuer d’évoluer au coude à coude avec les meilleures universités britanniques et américaines depuis des années: l’ETH Zurich. Aux excellentes conditions de recherche et aux généreux salaires s’ajoutent une multitude de facteurs qui font son attractivité. Mais cette situation enviable va de pair avec un haut degré de satisfaction chez les scientifiques, qui est susceptible d’entraîner inertie et baisse du goût du risque ainsi qu’un affaiblissement de l’esprit d’innovation et de la créativité. La démocratie directe et la volonté de consensus risquent de ralentir les prises de décision et d’entraver le développement de visions personnelles. Finalement, des carrières trop rectilignes peuvent influencer de manière négative la performance des scientifiques.

Ce lamento peut sembler exagéré. Les chercheurs méritent des conditions de travail stables. Cependant, il est important de reconnaître les problèmes, en particulier dans de grandes organisations peu flexibles. L’élite fédérale de la recherche devrait réagir à temps aux plus petits signaux.

Pour une politique de formation durable, nous devons valoriser davantage la collaboration internationale, les expériences à l’étranger, les projets
interdisciplinaires et non conventionnels, les prises de risque et l’innovation, les discussions critiques et la volonté de quitter sa zone de confort. Les profils les plus recherchés sont ceux qui construisent leur carrière sur ces piliers. Pour rester compétitifs sur le plan international, les chercheurs misent sur cette approche dynamique plutôt que sur le statu quo. Les institutions d’encouragement à la recherche doivent créer les incitatifs nécessaires à même de soutenir les fonceurs et les esprits non conformistes.

Ulf Büntgen est professeur en analyse des systèmes environnementaux à l’Institut de géographie de l’Université de Cambridge depuis janvier 2017. Il est également Senior Scientist à l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL).