Qui finance quoi?

L’appareil IRM / Valerie Chetelat

Accélérateurs de particules, observatoires, banques de données génétiques: la Confédération veut connaître les besoins de la recherche suisse en matière d’infrastructures. Mais ses critères lui en font ignorer certaines. Par Simon Koechlin

En recherche, la coopération est le maître-mot. Pour leurs projets, de nombreux scientifiques ont besoin de pouvoir accéder à des appareils ou à des banques de données beaucoup trop coûteux pour qu’ils puissent les acquérir. En Suisse aussi, ces infrastructures sont de plus en plus importantes. "L’accélérateur de particules du CERN ou les télescopes de l’Observatoire européen austral sont des exemples classiques d’infrastructures de recherche", explique Katharina Eggenberger, de l’unité Recherche du Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI). A cela s’ajoutent des banques de données et des centres de services, comme les archives où se trouvent des données de recensements ou de sondages collectées dans toute l’Europe.

Le SEFRI met actuellement au point une feuille de route pour les infrastructures de recherche. D’un côté, en inventoriant les infrastructures existantes. De l’autre, en recensant les nouvelles infrastructures prévues, jugées très importantes pour la Suisse en tant que place scientifique. Le Fonds national suisse (FNS) évalue la qualité des projets. En cas d’évaluation positive, l’infrastructure est intégrée dans la feuille de route, et les participants désignent l’instance chargée d’un financement éventuel: le FNS, les Académies des sciences ou les hautes écoles. Toutefois, les décisions définitives concernant le financement ne tomberont que dans le cadre du message relatif à l’encouragement de la formation, de la recherche et de l’innovation pour les années 2017–2020.

Dans les hautes écoles universitaires, la feuille de route suscite des sentiments partagés. "Obtenir une vue d’ensemble est une bonne chose, note Raymond Werlen, secrétaire général de la Conférence des recteurs des universités suisses. Mais on nous demande de désigner maintenant déjà les infrastructures qui ne seront importantes pour nous qu’en 2017. Avant même d’avoir discuté des objectifs de la prochaine période de financement." Il reproche aussi à l’instrument d’être difficile à comprendre et de ne pas définir clairement les types d’infrastructure à inscrire dans la planification.

Et les éditions scientifiques?

Markus Zürcher, secrétaire général de l’Académie suisse des sciences humaines et sociales, abonde dans son sens. Il déplore que certaines éditions scientifiques ne soient pas considérées comme des infrastructures de recherche, en rappelant que celles-ci sont presque toujours disponibles sous forme numérique et servent de base à de nouveaux projets de recherche. "Cette ébauche montre que l’on a encore de la difficulté à admettre que les sciences humaines travaillent aujourd’hui avec ces bases de données", analyse Markus Zürcher. Raison pour laquelle Ingrid Kissling-Näf, de la division sciences humaines et sociales du FNS, a lancé un appel pour des projets d’éditions en sciences humaines.

Katharina Eggenberger comprend ces réserves et admet que la feuille de route n’est pas encore arrivée à maturité. Pour elle, il s’agit toutefois de reconnaître expressément les projets en sciences humaines et sociales comme des infrastructures. La raison principale de la mise en place de cet instrument est la volonté d’améliorer la coordination du financement. Certains domaines présentent un potentiel d’économie, à l’instar de l’imagerie médicale où l’on procède souvent à l’achat d’appareils coûteux, tels des tomographes, sans consultation entre les différents instituts. "La feuille de route nous permet d’obtenir une meilleure vue d’ensemble, de déterminer ce qui compte pour la place scientifique et de savoir qui finance quoi", conclut-elle.

(De "Horizons" no 101, juin 2014)