Recycler le CO2

De nouveaux catalyseurs transforment le dioxyde de carbone en méthanol et acide formique, des matières premières liquides facilement transportables. Par Dölf Barben

(De "Horizons" no 114 septembre 2017)​​​​​​

​Rien de bien impressionnant: des câbles, des récipients et des bonbonnes de gaz. Ainsi qu'un bloc de métal à l'air plutôt banal doté d'une petite fenêtre et posé sur un meuble à tiroirs. Combiné à un spectroscope Raman, ce réacteur sous pression permet d'observer la structure moléculaire des matériaux à travers leur interaction avec un rayon laser.

La taille de l'expérience n'a rien à voir avec l'ambition du projet sur lequel Philipp Rudolf von Rohr travaille avec une douzaine d'autres chercheurs venant de huit pays. "Notre objectif est de tirer quelque chose d'utile à partir du CO2", dit le professeur au Département de génie mécanique et des procédés de l'ETH Zurich.

Du gaz liquéfié

Il ne s'agit pas ici de capter le dioxyde de carbone dans l'atmosphère, mais de le transformer en une matière première liquide dont on puisse extraire quelque chose d'utile, du carburant par exemple. Alors que le stockage du CO2 comme gaz réclame des moyens très importants, il est facile à entreposer et à transporter sous forme liquide.

Les scientifiques maîtrisent déjà deux des trois réactions nécessaires – sur le papier, la chose ne semble pas plus compliquée qu'un devoir de gymnasien. D'abord, le CO2 et l'hydrogène sont transformés à l'aide de deux catalyseurs en acide formique et méthanol, qui se combinent en formiate de méthyle. Ce fluide est ensuite reséparé en acide formique et en méthanol liquides via un troisième catalyseur. La difficulté de l'opération réside dans les interactions entre les deux premiers catalyseurs, explique Philipp Rudolf von Rohr. L'ingénieur teste différentes variables telles que pression, température, durée et rendement. Le produit visé, l'acide formique, fait aussi de la résistance: il n'existe pas de méthode simple pour estimer les quantités générées par une réaction. "La mesure n'est pas triviale", confie-t-il.

L'équipe zurichoise – des ingénieurs et des chimistes – ne travaille pas isolément. "Ce genre de problèmes ne peut être résolu que de manière interdisciplinaire", souligne Philipp Rudolf von Rohr. Quatre groupes de recherche sont à l'oeuvre: des spécialistes de la catalyse, ceux de l'analyse chargés de constater ce qui "sort finalement des réactions", les chimistes étudient ce qui se passe sur le catalyseur et, enfin, le groupe de Philipp Rudolf von Rohr construit les appareils, les exploite et les améliore. "Sans interdisciplinarité, c'est impossible."

"Ce projet mérite d'être soutenu ne serait-ce que parce qu'il va dans le sens d'un cycle énergétique neutre en CO2", commente Reto Holzner de Silent-Power, une société qui commercialise des générateurs électriques fonctionnant au méthanol. Il estime que des difficultés pourraient provenir des multiples catalyseurs et des hautes pressions, potentiellement problématiques dans les plus grands dispositifs. Les connaissances acquises dans ce projet sont importantes pour la place économique suisse, dit-il: "Sinon, nous serons bientôt dépassés."

Dölf Barben est journaliste au quotidien "Der Bund"."