Fréquence des collisions entre le milan royal et les éoliennes

Plus les pales sont montées en hauteur, moins les milans royaux risquent d’entrer en collision avec elles. Une étude cofinancée par le FNS a suivi près de 3000 oiseaux. Les résultats peuvent améliorer les futures installations.
Doté de larges ailes, le milan royal exploite les vents ascendants pour gagner rapidement en altitude. Néanmoins, les lieux qui offrent des conditions favorables à cette technique de vol constituent aussi souvent des sites d’implantation idéaux pour les parcs éoliens. Il n’est donc pas étonnant que des collisions soient parfois observées.
Cofinancée par le FNS, une étude à laquelle participe la Station ornithologique suisse a permis d’analyser précisément où et quand ces accidents mortels ont lieu. Les conclusions recueillies pourraient être prises en compte lors de la conception de futures installations. Pour mener à bien ce projet, plusieurs équipes de recherche d’Autriche, d’Allemagne et d’autres pays européens se sont associées et ont suivi près de 3000 oiseaux pendant environ onze ans à l’aide de traceurs GPS.
Plus de cinq cents de ces oiseaux viennent de Suisse. Il y a dix ans, alors que la plupart étaient encore jeunes, la Station ornithologique suisse les avait équipés d’émetteurs légers fonctionnant à l’énergie solaire. En fonction de la charge de la batterie, les chercheuses et chercheurs reçoivent environ toutes les heures un signal qui indique leur position.
Récupération et autopsie : un travail énorme
En s’appuyant sur ce large échantillon, l’équipe de la Station ornithologique suisse a étudié le comportement migratoire du milan royal ainsi que sa distribution géographique au sein des habitats alpins. « Nous essayons par exemple de savoir pourquoi la population a fortement augmenté en Suisse au cours des dernières décennies, alors que les chiffres s’orientaient, jusqu’à récemment encore, à la baisse dans les pays voisins », explique Martin Grüebler, responsable de l’unité Recherche écologique.
Dans le cadre du projet transfrontalier Life-Eurokite, les données suisses ont été combinées à celles recueillies par d’autres pays européens. Cette collaboration vise entre autres à déterminer les causes de mortalité qui sont imputables à l’activité humaine.
Une analyse des données fournies par les 3000 milans royaux participant à l’étude vient d’être publiée : elle révèle que les éoliennes ont provoqué la disparition de 41 individus en onze ans. Pour déterminer la cause de décès, les différentes équipes de recherche suivent un protocole standardisé. Les données GPS permettent de déterminer si les oiseaux sont morts sur le site d’une installation et, lorsque cela est possible, les cadavres sont ensuite récupérés rapidement afin de pratiquer une autopsie.
D’après Martin Grüebler, la récupération des oiseaux exige un investissement considérable. Il faut en effet qu’il y ait toujours suffisamment de personnes prêtes à intervenir dans l’ensemble de l’Europe et que les prescriptions relatives à chaque pays soient respectées, notamment en ce qui concerne l’implication des autorités. Les équipes de recherche réunies ont cependant pu confirmer que la collision avec une éolienne constituait une cause de décès certaine pour 25 des oiseaux tués, et très probable ou possible pour 16 autres.
Pas de mortalité due à l’éolien en Suisse
Près de la moitié de ces accidents ont été observées dans le nord de l’Allemagne, zone dans laquelle le nombre d’éoliennes est particulièrement élevé. Douze autres ont eu lieu en Espagne et en France, souvent pendant la migration annuelle des rapaces vers le sud.
Quatre oiseaux de la cohorte suisse ont été tués par des éoliennes en France, en Espagne et en Allemagne. Aucun décès de ce type n’a été enregistré sur le sol helvétique. « Mais nous n’avons pas autant d’installations éoliennes que les pays voisins », souligne Martin Grüebler.
Les données GPS ont permis aux équipes de recherche d’évaluer les collisions, mais aussi celles qui ont évitées de justesse, c’est-à-dire les cas où des milans royaux ont franchi les éoliennes sans encombre. Ces observations ont fourni des informations sur les types et tailles d’éoliennes qui s’avèrent plus ou moins dangereux.
Conclusion : plus l’envergure des pales est importante, plus le risque de collision est élevé. Une augmentation de leur diamètre de 25,5 m multiplie par cinq la probabilité d’un incident. À l’inverse, plus les pales sont installées haut, mieux les oiseaux s’en sortent. Du fait de leur faible hauteur de vol, les milans royaux tendent alors à passer en dessous.
Un autre défi pour les aigles et les chauves-souris
« Les éoliennes vont à l’avenir continuer de se multiplier en Europe. Il est donc fort probable que le risque qu’elles représentent progresse d’autant », souligne M. Grüebler. Une autre étude du projet Life-Eurokite, encore en attente de publication, examine en effet les autres causes de mortalité liées à l’activité humaine qui impactent cette espèce emblématique, parmi lesquelles les empoisonnements et les tirs illégaux.
Au regard des résultats obtenus, l’équipe de recherche recommande de veiller à ce qu‘il y ait autant d‘espace que possible entre le champ des pales et le sol pour protéger le milan royal. Mais les choses ne sont pas si simples. Car, comme le précise l’ornithologue, les installations plus hautes pourraient constituer une menace pour d’autres rapaces et différentes espèces d’aigles ou de vautours, voire pour les chauves-souris et les et les passereaux pendant la migration. La hauteur de vol est en effet propre à chaque espèce oiseaux chanteurs pendant la migration.
Il est par conséquent essentiel d’acquérir autant de connaissances que possible sur les différents modes de vie des différents animaux. « Plus nous aurons de connaissances, plus nous pourrons concevoir des machines et des sites dont l’impact sur la faune sera aussi réduit que possible ».